Au commencement était le Verbe

Chômage : le coupable est la démographie


La démographie dynamique de notre pays entre au panthéon des causes du chômage.

On apprenait le 24 décembre que le chômage avait encore augmenté en France de 0,8% en novembre, soit 27.400 demandeurs d’emplois supplémentaires sur 1 mois, portant à 6% l’augmentation du chômage sur la seule année 2014.

Cette info nous indique d’où l’on vient et ce que l’on peut raisonnablement attendre pour décembre malgré le boom que représente traditionnellement la période de Noël mais qui n’est qu’un feu de paille en matière de consommation des ménages.

Concernant où l’on va, on lit à présent dans Le Figaro que les « prévisionnistes », au premier rang desquels on trouve l’INSEE, mais également l’OCDE, le FMI ou l’UNEDIC, ne prévoient pas de diminution du chômage en France en 2015, et ce malgré la croissance attendue de 1%, cette croissance étant insuffisante pour créer des emplois.

Le discours autour de la croissance, rabâché à longueur d’années et de discours politiques, est donc un faux débat. Pendant que des groupes s’enrichissent de 1%, la majorité écrasante perd son emploi. Cela devrait interroger chacun d’entre nous et particulièrement ceux qui votent à droite pour la défense du marché.

Du côté du FMI, aucune amélioration en matière de création d’emplois n’est à attendre avant 2016.

A ces prévisions alarmistes, il faut à présent ajouter le facteur démographique qui draine de façon continue sur le marché du travail plus d’individus que les entreprises ne peuvent en absorber. Ce facteur pèsera sur les chiffres du chômage pendant de nombreuses années.

→ Le secret de la comm’ actuelle : délivrer plusieurs bouts d’un même message en plusieurs parties. Une touche de story-telling pour donner un semblant de sens et c’est parfait. Nous savons désormais que le chômage est un problème du passé, du présent et de l’avenir.

 

L’information telle qu’elle est relatée dans Le Figaro est amusante, malgré sa gravité, parce qu’elle semble reprendre les « éléments de langage » qui caractérisent en général la communication politique, a fortiori gouvernementale.

On lit très exactement ceci :

L’Insee prévoit donc que les créations d’emplois excéderont les destructions début 2015. Toutefois, ce phénomène ne sera dû qu’à la progression de l’emploi public, et notamment des contrats aidés. Le secteur privé détruira, selon l’Insee, encore 11.000 postes au premier semestre. L’institut officiel n’en conclut pas pour autant à l’inefficacité du pacte de responsabilité, bien au contraire. Il estime que le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi), mis en place en 2014, et les baisses de charges sociales et d’impôts, qui entreront en vigueur en 2015, permettront de sauver 40.000 emplois au premier semestre. Dit autrement, sans le pacte, il y aurait eu 40.000 destructions de postes en plus.

 

D’une mauvaise nouvelle, la destruction attendue d’emplois en période de faible croissance (+1%), on fait une bonne nouvelle pour le CICE, sans lequel c’eut été pire. Par ailleurs, on profite de cette démonstration pour nous désigner un nouveau coupable : notre démographie, qui explique le chômage par l’impossibilité pour le marché d’absorber tous ces nouveaux demandeurs en période de faible croissance. Bien entendu, la donnée démographique est factuelle et il ne s’agit pas de la nier, mais nos dirigeants, qui ont déjà perdu pied face au problème structurel du chômage, sont dans l’incapacité de prendre en compte ce facteur supplémentaire dans leur équation : f(croissance) = travail.

Démographie emploiPrendre en compte cette donnée démographique, pour un pays présenté jusqu’il y a encore peu de temps comme vieillissant, à l’instar de l’Allemagne, est en soi une révolution pour des personnalités politiques qui baignent depuis des décennies dans la croyance que la croissance va créer des emplois. Parce qu’on a toujours confondu la cause et son effet. Non seulement la croissance peut exister alors que des emplois sont détruits dans le même temps (c’est ce que nous vivons en France), mais il faut en plus prendre en compte les nouveaux arrivants qui viennent grossir le stock de demandeurs d’emplois alors que nos économies ralentissent.

Si le facteur démographique était pris en compte au même titre que les gains de productivité, cela mettrait nos gouvernants sur des pistes de réflexion et de solutions autres que celles dans lesquelles ils se sont déjà engagés. En refusant d’envisager une réduction supplémentaire du temps de travail comme le suggère le parti Nouvelle Donne -la durée légale restera de 35 heures- les politiques s’interdisent de porter secours aux chômeurs, précaires ou travailleurs pauvres. Ils préfèrent que 80% des actifs conservent un emploi à plein temps et que les 11% de chômeurs n’en aient aucun.

Le CICE ne créera donc pas d’emplois, il limitera leur destruction. Il représentera une approche différente quoique complémentaire de la prise en charge par l’assurance chômage. Plutôt que de payer des individus à ne rien faire, on paie des entreprises pour qu’elles les gardent. Voilà la vraie nature du « pacte » de responsabilité.

Le problème de fond reste entier si l’on ne change pas de façon de voir : le marché détruit les emplois de tous les français, que ceux-ci votent pour la gauche ou la droite, même extrême.

Alors on peut accuser la démographie, on peut pointer du doigt les coûts exorbitants des salariés français ou la masse des fonctionnaires, on peut faire tous les efforts possibles pour dédouaner le libéralisme, il n’en demeure pas moins que celui-ci est malsain pour la société parce qu’il fait peser sur les individus qui le subissent une faute dont ils ne sont pas coupables avec pour seul but de conserver un partage inégalitaire de la richesse créée collectivement par notre travail à tous. Mais personne ne remet ceci en cause parce qu’individuellement nous avons signifié notre acceptation de ce système dans un contrat de travail et voté pour ceux qui veulent le faire durer…

 

Nous devons sortir de ce paradoxe qui gâche nos vies. Nos gouvernements organisent dans le cadre de l’OMC la libre-concurrence mondiale, ils organisent dans le cadre de l’UE le recours aux travailleurs dits « détachés », c’est à dire les nouveaux esclaves de l’est, et ils participent de cette escroquerie intellectuelle qui consiste à prétendre que le marché sait se gérer et produit les meilleurs résultats pour la masse. Même Adam Smith qui avait parlé de « main invisible », juste 1 fois, prévenait du danger qui consistait à ne penser qu’à travers elle.

Les injonctions paradoxales auxquelles sont soumis nos gouvernements sont insolubles. Il n’est pas possible de continuer à proférer des discours POUR la défense de l’emploi tout en œuvrant à leur destruction par des accords de libre-échange qui organisent la concurrence entre pays à bas coûts de production et pays riches socialement développés. Si l’emploi est vraiment une priorité, toutes les mesures prises doivent être cohérentes entre elles. Soit on promeut l’emploi en France en empêchant le recours aux travailleurs détachés ou l’importation de produits provenant d’Asie, soit on promeut l’abaissement du coût du travail en France et, dans ce cas, les produits chinois comme les travailleurs polonais sont les bienvenus. Mais l’on accepte dans ce cas l’augmentation du nombre de chômeurs, la baisse généralisée des salaires, et donc l’inéluctabilité de la disparition progressive des emplois dans notre pays. Il faut alors proposer un plan de transition vers la normalisation de cette situation qu’est le chômage généralisé et organiser autrement l’économie, c’est à dire la nature des échanges entre agents économiques. Si les français doivent vivre d’autre chose que de leur travail, par exemple d’un revenu de base inconditionnel, il suffit de l’annoncer officiellement et de mettre les partenaires sociaux autour de la table pour en discuter les modalités.

 

Alors que la fin de l’année approche et que le marronnier des bonnes résolutions se profile, nous attendons de nos partis politiques qu’ils agissent en cohérence avec leurs discours, quitte à se déjuger. Face à la misère qui se déploie massivement dans notre pays, une nouvelle approche est nécessaire qui passe par un effort global de cohérence mais aussi de vérité.

La mise en cause opportuniste de notre démographie galopante est un artifice supplémentaire pour cacher le désarroi d’un gouvernement qui profère de beaux discours mais n’est pas en mesure de faire valoir ses idées et ses positions.

Sans un réel aggiornamento politique autour de la question de l’emploi, la seule démographie du peuple des chômeurs occupera nos pensées, puis nos cauchemars et enfin la rue où finissent tous ceux qui n’ont plus rien à perdre.

 

Wake up.

Lovegiver

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Cette entrée a été publiée le 25 décembre 2014 par dans Economie, Emploi, France, et est taguée , , , .
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