Au commencement était le Verbe

Wolfgang Schäuble demande au MEDEF de soutenir le gouvernement


J’entends encore les propos de Jean-Claude Gaudin (maire de Marseille) lundi sur France-Info, alors qu’il était interviewé à propos des difficultés de mise en oeuvre de la réforme des rythmes scolaires dans la ville dont il est l’édile.

Avec toute la mauvaise fois qui caractérise ce vieil homme que la République a enrichi de façon déraisonnable, celui-ci soutenait au journaliste qui l’interrogeait que l’état socialiste ne lui avait laissé que 2 mois pour trouver des solutions. Le journaliste, surpris, corrige ce qu’il croit être une erreur : « vous vouliez dire 2 ans Jean-Claude Gaudin ? »

– Non ! 2 mois, vocifère l’autre. Et d’embrayer sur des considérations financières, arguant que l’état n’avait rien prévu en matière de financement de la mesure qu’il imposait aux collectivités territoriales tout en leur laissant payer la note.

→ Vous pouvez écouter l’interview ici.

 

Le choix du décret versus la loi.

Quand l’état vote une loi au Parlement, celui-ci doit prévoir les moyens de sa mise en oeuvre, donc, entre autre, le financement. Le choix d’un décret, qui est une décision ministérielle, est justement fait exprès pour éviter à l’état, endetté, de devoir mettre la main à la poche pour financer une réforme qu’il juge nécessaire (nous ne développerons pas ce point sur le fond, à savoir le bien-fondé ou non des arguments qui étayent cette réforme).

Ce décret est donc l’élément nécessaire et suffisant pour affirmer que l’état souhaite cette réforme, mais qu’il n’est pas en mesure de la financer. Il laisse le financement à la charge des communes.

Outre l’état d’endettement, on peut également comprendre que cette loi ne soit pas passée par le parlement pour son adoption puisque nombre de parlementaires sont encore, malheureusement, maires. Ils auraient donc été tentés, et cela se comprend, d’empêcher ou d’amender une loi qu’ils allaient devoir financer en tant que maires. Les clients du maire sont aussi en partie ceux du député ou du sénateur (mais nous n’aborderons pas ce point sur le fond non plus, cf. le programme de Nouvelle Donne à ce sujet).

Depuis 2 ans, donc, les parlementaires ont en travers de la gorge la réforme des rythmes scolaires, comme ils avaient également en travers de la gorge le projet de loi sur le non-cumul des mandats, qui a certainement été le premier acte de mutinerie du Parlement depuis l’élections de François Hollande à l’Elysée. On pourra donc s’interroger en passant quant à savoir pourquoi et comment le pacte de responsabilité a pu, lui, passer, alors qu’il fait débat depuis longtemps au sein de la majorité présidentielle, seule à même de faire chuter le gouvernement. La responsabilité a un prix, en terme de carrière, au sein d’un système gangrené par la professionnalisation de la vie politique (mais nous n’aborderons pas ce point sur le fond non plus).

Il faut retenir en « premier total » que l’état, endetté, conserve sa capacité d’imposition inchangée tout en délégant aux collectivités territoriales des responsabilités et leur financement.

En « second total« , on a le renforcement des régions avec la refonte complète, récemment, des régions françaises, dans un geste unilatéral de l’état, sans concertation préalable, notamment avec les élus. Cette nouvelle carte est l’outil fondamental sur lequel l’état pourra s’appuyer, à l’avenir, pour continuer le double-mouvement de décentralisation et de délégation de responsabilités (y compris en matière de financement des missions confiées à ces régions). De même, l’abandon du département concentre plus encore de pouvoirs au niveau de la région.

L’objet que l’on obtient de la sorte est une sorte de « land« , comme en Allemagne, sauf que nos scrutins régionaux n’ont pas la portée des élections au sein des länder allemands. Notre pays n’a pas encore adopté cette forme de fédéralisme dans lequel les identités locales sont plus marquées, préférant à l’époque le choix de l’état-nation que Bismark nous piratera au milieu du 19ème siècle afin de pouvoir nous envahir (mais nous n’aborderons pas ce point sur le fond non plus).

A notre tour de pirater l’Allemagne. La France va créer des régions à l’allemande, mais pas trop, car bien trop jacobine. Depuis le temps que l’on entend parler du modèle allemand, il fallait bien qu’on en voit la queue. Et ceci ne date pas d’Hollande, ni même de Sarkozy. Mitterrand et Chirac, et même de Gaulle avant eux, avaient ajouté leurs pierres à cet édifice qu’est la relation franco-allemande.

Avec cette stratégie, l’état (français) pense pouvoir réaliser ce que le ministre allemand des finances est sur le point de réaliser outre-Rhin.

Wolfgang Schäuble est proche de réaliser le rêve de tout ministre fédéral des Finances depuis plus de 40 ans. Dans le programme budgétaire qu’il a présenté ce mercredi lors du conseil des ministres, l’élu du pays de Bade a annoncé que le budget fédéral sera équilibré l’an prochain pour la première fois depuis 1969.

→ Lire l’article de La Tribune (du 12 mars 2014, donc à relativiser, notamment en ce qui concerne les prévisions de croissance allemande revues à la baisse dernièrement et qui ralentiront les espoirs de W. Schäuble)

En dépensant moins et en délégant plus de responsabilités aux régions, l’état va mécaniquement augmenter le taux d’imposition globale sans en assumer la charge.

Interrogé dernièrement, W. Schäuble se félicitait que François Hollande ait évincé A. Montebourg du gouvernement, comme de nombreux autres pays européens. La politique suivie par le gouvernement français est, selon de nombreux dirigeants européens, la seule qui vaille. Et W. Schäuble est de ceux-là car il a appliqué la même en Allemagne et est sur le point de réussir. Sauf que W. Schäuble ajoute que ceci n’aurait pas été possible sans la collaboration et le soutien entier des entreprises, ce qui est possible en Allemagne du fait de la tradition de dialogue social de ce côté-là du Rhin. Récemment invité en France par … le MEDEF, il déclarait :

« Je veux dire aux employeurs français que leurs homologues allemands ont toujours soutenu les réformes que nous avons conduites dans la dernière décennie, même quand elles n’allaient pas assez loin à leurs yeux. S’il vous plait, faites-en autant. »

A-t-il été entendu par Manuel Valls ? A-t-il été entendu par les patrons ?

La France se doit de respecter les critères européens, mais un flou subsiste. Si le remboursement de la dette et la réduction des déficits sont les efforts que l’on attend de la France, pourquoi lui laisser, sur les 50 milliards d’économies annoncées (mais pas financées pour la moitié), dépenser 40 milliards au profit des entreprises ?

Si ce déficit programmé est accueilli favorablement par l’Europe au motif qu’il améliore la compétitivité des entreprises françaises, pourquoi le gouvernement – et les français – ne sont-ils pas libres du type de relance qu’ils souhaitent ? Pourquoi une politique de l’offre serait-elle plus favorable qu’une politique de la demande, normalement plus indiquée en cas de situation déflationniste ? Ne doit-on pas y voir une volonté quasi-cynique des autres pays européens de profiter d’une meilleure compétitivité française par des produits et services moins chers afin d’améliorer, par effet de ricochet, leur propre compétitivité ? Si une entreprise allemande s’approvisionne en France pour moins cher, elle est mécaniquement plus compétitive et/ou plus profitable. D’autre part, les patrons français expriment leurs doutes quant à la période à venir : stagnation, risque déflationniste, rien n’incite à investir les bénéfices dégagés.

Une politique de la demande aurait relancé la consommation de produits venants à 50% de la zone Euro, donc aurait contribué à la croissance européenne. A contrario, une partie des fonds auraient quitté l’Europe pour le reste du monde, l’Asie par exemple, du fait de nos achats quasi frénétiques de smartphones, tablettes, téléviseurs ou autres produits électroniques et informatiques.

Le problème n’est donc pas la dépense elle-même, mais l’idéologie qu’elle sous-tend et si l’on en profite ou non. Il y a fort à craindre que les français ne profitent pas des milliards dépensés, a fortiori si les autres pays membres de l’Europe assèchent eux aussi leurs dépenses. En réalité, les dépenses pour la relance, que celle-ci soit une politique de l’offre ou de la demande, doivent être conjointes, proportionnées et coordonnées de sortes que les différentes politiques nationales se conjuguent et se renforcent mutuellement. On parle alors de synergie.

Mais cette option semble ne pas exister en Europe.

Wake up.

Lovegiver

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